Positions

Nous sommes des éleveurs et des bergers de toute l’Europe, de la toundra arctique aux îles de l’Atlantique, de la Méditerranée et de la Mer Noire ; des plaines d’Europe du Nord aux montagnes des Alpes et des Carpathes. Nous venons de 17 pays et d’une grande diversité de cultures : « crofters », transhumants, herbassiers, éleveurs nomades et autres formes d’élevage extensif. Nous élevons des brebis, des chèvres, des bovins, des rennes — de races adaptées à leur environnement local.

Le pastoralisme pour une Europe meilleure

Nous sommes tous venus ici à Coblence, en cette 3ème rencontre du Réseau des Bergers Européens, pour célébrer nos nombreuses contributions à la culture, la société, l’environnement, l’économie et à une alimentation saine :

  • Nous créons de la richesse en fournissant viande, lait, fromages, laine et peaux de haute qualité.
  • Nous protégeons l’environnement en préservant des écosystèmes où des espèces végétales et animales menacées peuvent survivre, en contenant l’embroussaillement, et en réduisant les risques d’incendie. Nous utilisons des terres impropres à d’autres formes d’agriculture. Pâturer, c’est stocker du carbone et lutter contre le changement climatique. Nous gérons les ressources naturelles qui nous font vivre et nous les préservons pour les générations futures.
  • Nous soutenons les économies locales, nous préservons des paysages attrayants, en maintenant les populations des régions reculées ou montagneuses et en améliorant leur qualité de vie et celle des visiteurs.
  • Nous incarnons une culture riche où se mêlent patrimoine immatériel, gastronomie et races animales rustiques. Cette culture pourrait offrir aux jeunes une opportunité d’avoir un revenu et de mener une vie qui ait du sens.

Le pastoralisme menacé

Notre mode de vie existe depuis des temps ancestraux, il a évolué de concert avec les paysages, mais le pastoralisme est aujourd’hui menacé comme jamais par l’industrialisation forcée de l’élevage : notre identité s’érode, nous perdons notre liberté et notre capacité à maintenir nos systèmes traditionnels.

  • Côté régulation, on n’inclut pas, on ne comprend pas voire on ne reconnaît pas l’existence du pastoralisme.
  • Pour les jeunes, il est souvent difficile d’accéder à l’usage de la terre. Les rémunérations très faibles et le manque de reconnaissance les conduisent à passer à des formes plus intensives d’élevage.
  • Nous perdons de la surface de pâturage : infrastructures, projets énergétiques, mines, réserves naturelles, résidences secondaires, biocarburants, agriculture intensive, sylviculture industrielle accaparent les terres dévolues aux troupeaux. Le morcellement des espaces complique le maintien de nos systèmes traditionnels, en particulier lorsque ceux-ci dépendent du mouvement des animaux tout au long de l’année.
  • L’agrobusiness vend de pâles copies industrielles de nos produits, en usurpant au passage notre identité. Dans ces conditions il nous est difficile de valoriser nos produits à un juste prix. La hausse des coûts de production exacerbe encore la concurrence avec l’agriculture intensive. Dans certaines régions, l’accès à des terrains de pâturage privés devient prohibitif.
  • Nous sommes exclus des processus de décision politiques, au risque de rompre l’équilibre entre pastoralisme et environnement. La création et la gestion de zones protégées se font sans concertation. La réintroduction et la multiplication de prédateurs (choix politiques) causent des dégâts aux troupeaux. Ces dégâts sont difficiles à établir d’une façon que les autorités les acceptent, de sorte qu’ils restent souvent non reconnus et sous-compensés. Toutefois, nous voulons travailler de concert avec les écologistes sur la prévention des attaques, le suivi des populations et les compensations.
  • Le manque de consultation s’étend à tous les niveaux, local, national, régional et européen. La Politique Agricole Commune en particulier ne reconnaît pas les caractéristiques spécifiques du pastoralisme et le place en situation de désavantage économique. Les exigences bureaucratiques favorables à l’élevage intensif nous imposent une paperasse écrasante et irréaliste.

Nous faisons tout pour survivre

Nous sommes combatifs, nous maintenons notre mode de vie sans cesser d’innover et de nous améliorer. Nous utilisons des races locales pour qu’elles s’adaptent à un environnement qui change. Nous sensibilisons les consommateurs, nous faisons de la vente directe. Nous passons par les nouveaux medias pour promouvoir nos traditions culturelles et organiser des événements festifs. Certains d’entre nous ont négocié des contrats pour la prévention des incendies, le maintien de paysages classés, ou d’autres services écologiques.

Partout en Europe, nous nous organisons en fédérations, nous construisons des réseaux régionaux et gagnons la reconnaissance d’institutions internationales de premier plan, comme la FAO. Nous créons des centres de recherche, collaborons avec des institutions scientifiques et formons des jeunes.

Ce que nous demandons aux politiques

Nous exhortons nos gouvernements et décideurs politiques à tous les niveaux à :

  • Reconnaître la nature particulière du pastoralisme et de ses produits en adaptant la réglementation pour promouvoir la production artisanale.
  • Garantir des prix justes pour les produits du pastoralisme, soutenir les marchés locaux et instaurer un label qui permette de les distinguer.
  • Respecter les méthodes existantes employées par les éleveurs pour gérer avec efficacité la reproduction et l’identification des animaux.
  • Promouvoir les circuits courts et autoriser partout en Europe les petits abattoirs de proximité comme il en existe aujourd’hui en Autriche et en Allemagne.
  • Reconnaître notre patrimoine culturel et immatériel, développer un cadre commun pour sa sauvegarde.
  • Reconnaître les organisations pastoralistes en Europe en tant que partenaires et les soutenir afin qu’elles puissent déléguer des représentants, développer des argumentaires et mettre en œuvre le plan d’action adopté par la présente assemblée.
  • Revoir la réforme de la Politique Agricole Commune actuellement mise en œuvre, qui perpétue de nombreuses injustices dont nous souffrons depuis des années. De vastes zones de pâturage historique, telles que les forêts et les zones rocailleuses, où le pâturage est un atout environnemental majeur, restent exclues du système de subventions. De même, on sous-estime la valeur des pâturages qui contribuent à la prévention des incendies et qui permettent d’utiliser des terres incultes. Le pastoralisme apporte de nombreux bénéfices environnementaux non reconnus aujourd’hui, qu’il est seul capable de fournir.
  • Reconsidérer les pénalités pour non-respect de conditionnalité de la PAC.
  • Stopper la perte de foncier pâturable et l’accaparement de terres, ainsi que les restrictions à la mobilité qui rendent impossible le maintien d’un pastoralisme viable.
  • Nous soutenons la création et la protection d’un réseau européen des routes de transhumance.


Organisations signataires :

Associazione dei pastori transumanti del Triveneto, Italie
Associazione Regionale Produttori Ovicaprini, Abruzzo, Italie
Asociația Transhumanța, Roumanie
Bulgarian Biodiversity Preservation Society Semperviva, Bulgarie
Bundesverband Berufsschäfer, Allemagne
Collectif des Races locales de Massif, France
Collectif pour la Liberté de l’élevage, France
Cooperativa Terra Chã, Portugal
Ένωση Μετακινούμενων Κτηνοτρόφων Ηπείρου (Association of Pastoral Farmers of Epirus), Grèce
European Shepherd Network
Federación Estatal de Pastores, Espagne
Finnish Saami Reindeer Herding Organization, Finlande
Fundacja Pasterstwo Transhumancyjne, Pologne
Greek Network of Transhumant Farmers, Grèce
International Centre for Reindeer Husbandry
Landelijke Werkgroep Professionele Schapenhouders, Pays-Bas
Red de Pastores de Catalunya, Espagne
Shetland Animal Health Schemes, Royaume-Uni

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